Les nouvelles défilent sur nos portables et nos télés ; un flash info annonce une nouvelle tuerie, une augmentation préoccupante du chômage, un bateau de migrants intercepté au large des côtes libyennes ou l’élection de Miss France. C’est tout frais, ça s’est passé il y a quelques heures à peine.
Comment analyser ce flux continu d’informations, toutes mises au même niveau ? Le transfert d’un joueur du PSG prend autant d’importance que la lutte contre le réchauffement climatique. A peine une nouvelle est-elle tombée qu’une autre la chasse… On voudrait en savoir plus pour mieux comprendre, mais nous n’avons pas le temps d’approfondir.
On pense tout savoir, mais ces coups de projecteurs médiatiques laissent dans l’ombre tant de faits et de personnes qui mériteraient d’être connus. A l’heure d’internet, le problème n’est plus l’accès à l’information mais notre incapacité à la traiter, tant elle est foisonnante.
Hyper connectés au monde entier, nous peinons de plus en plus à nous enraciner. Quelle attention portons-nous à ce qui se passe près de nous, dans notre quartier ou notre ville ? Les nouvelles du monde, si importantes soient-elles, occultent ce qui se passe dans nos microcosmes : le voisin qui lutte pour ne pas replonger dans l’alcool, le fiston qui traverse cahin-caha son adolescence, la cousine qui garde la tête haute malgré son cancer, l’élu local qui s’emploie à rassurer ses concitoyens pour qu’ils fassent bon accueil aux migrants…
L’Ecole de la Paix, c’est celle des petites choses : une école qui nous apprend à voir qu’hors des sentiers battus existent des gens formidables, c’est une école qui nous fait découvrir l’extraordinaire qui réside parfois dans des vies ordinaires. Elle nous apprend la valeur d’un sourire, d’un verre de thé ou d’une parole d’encouragement.
Vues les catastrophes qui nous sont annoncées, nous serions tentés de désespérer de l’humanité. Pourtant, les drames ne sont pas forcément plus nombreux que par le passé ; mais le fait qu’ils nous arrivent en direct et en images nous marque en profondeur. La Route permet une mise en perspective et une prise de distance évitant des réactions viscérales qui laissent plus de place à l’émotion qu’à la raison. L’école de la Paix nous apprend que tout n’est pas foutu et que l’envie de fraternité traverse les frontières linguistiques, religieuses et culturelles. Croire en l’humanité, ne résulte pas d’une naïveté aveugle mais d’un regard réaliste sur le monde, qui ne se laisse pas envahir par l’apparente omniprésence du mal.
La philosophie de la Route s’est forgée au contact de réalités banales où se dessine un certain universalisme : chercher l’Amour, éduquer ses enfants, profiter des petits plaisirs de la vie, trouver sa place dans la société et comprendre le sens de l’existence… Voilà des aspirations très humaines que l’on retrouve tout au long du chemin, aussi bien à Turin, Rome, Thessalonique, qu’à Ankara, Damas ou Jérusalem.
Face à l’accélération, à la complexité, aux frontières qui se dressent ici et s’effondrent là-bas, comment rester la tête froide ? Comment éviter le repli sur soi qui donne l’illusion de conjurer la perte des repères?
L’expérience très incarnée de la Route, nous permet de vivre des moments fondateurs : Etre accueilli par des personnes qui ne nous doivent rien, juste parce qu’elles reconnaissent en nous un frère ou une sœur en humanité. Voir nos pronostics déjoués quand c’est une personne inquiétante de prime abord qui nous offre un accueil délicat, ou lorsque des personnes sur qui nous comptions, nous refusent l’hospitalité…. De telles expériences prouvent que tout n’est pas joué d’avance, que le bien et le mal sont souvent entremêlés. Pour celui/celle qui part pétri de certitudes, la Route déroute…
Finalement, le fruit de la Route c’est l’humilité et l’abandon de ses propres certitudes. Cette nouvelle posture ne penche ni du côté du cynisme (selon lequel, rien n’est digne d’enthousiasme, car tout serait corrompu…) ni du côté de l’angélisme (d’après lequel, tout le monde serait profondément bon).
L’humilité découle de la conscience de la fragilité du monde et des êtres.
- Elle nous apprend à apprécier ce qui va bien, ce qui est beau et bon, sans ressasser ce qui ne va pas,
- Elle nous rappelle que seuls, nous ne pouvons pas faire grand-chose. La fraternité et la solidarité ne sont pas des options, elles sont vitales,
- Elle nous dit qu’il faut (ré-) apprendre à prendre le temps,
- Elle nous invite à la simplicité (de vie ? d’esprit ?),
- Elle nous rappelle que nous ne nous sommes pas faits tout seul (« Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? ») et que nous avons à rendre à notre entourage ce que nous avons reçu de lui (principe de« restitution » développé par Ernesto Oliviero de l’Arsenal de la Paix, à Turin).
En pleine réflexion sur son avenir, l’association « Route de Jérusalem, Ecole de la Paix » aimerait partager cette ‘petite’ philosophie de l’humilité en continuant de proposer sa démarche aux jeunes d’aujourd’hui. Mais cette philosophie peine à se dire et à se formuler en une proposition claire. Comment faire connaître ce message sans l’asséner ou paraître arrogant ? Il nous faut préférer la posture du témoin plutôt que celle du donneur de leçons et réfléchir à la meilleure façon de communiquer notre message.
L’évaluation du travail accompli depuis bientôt 50 ans (chantier lancé par Evelyne et son équipe) et le travail vidéo mené par la jeune génération (Claire, Hugo, Nicolas, Marion…) vont certainement nous aider à identifier ce que nous pourrions transmettre et sous quelle forme. La perspective d’une « mini route » de jeunes, cet été 2017, entre Nice et San Remo, préfigure peut-être une manière nouvelle de vivre la Route de Jérusalem.
Merci à toutes celles et tous ceux qui s’associent à la réflexion sur le sens de la Route aujourd’hui.
En attendant les premiers résultats de cette mise en mouvement de notre association, nous vous souhaitons une bonne année 2017 et formulons pour vous des vœux de Paix et de Bonheur. Puissiez-vous, comme le marcheur apprend à le faire, reconnaître la beauté du monde qui vous entoure et vous en émerveiller.
Gildas, Président de l’association